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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 10:12

 

Réclamations

Haribo c'est bo l'hallu

 

Offensive allemande, à coups de bonbons à l'acide.

 

Les bonbecs, quand ils veulent se faire acheter, ils se font tout sucre. Mais quand on les trouve en pub dans des journaux spécialisés ciblant la grande distribe, comme le magazine LSA où a été déniché cet encart, c'est moins hypocrite.


n8 Reclamations Pub Haribo Acide

Cliquez sur la pub pour l'ouvrir en grand format.

 

Haribo sort le bonbon qui défonce. Pour pervertir la jeunesse, son positionnement marketing vante le « dynamisme du segment acide » du dernier né « Délir'Pik, un succès délirant garanti ! » doué d'une « performance sur le segment des acides ». On croit avoir mal lu. C'est en vente libre ces bonbons, ou plus exactement ces substances ? Présumé dangereux psychotrope interlope, cette suçotterie est-elle vraiment capable d'altérer une ou plusieurs activités neuronales ? En nous inondant de LSD, la firme allemande menace notre belle nation. C'est atroce. Prévenez illico les ligues de vertu et le haut commissariat à la lutte contre la réalité déformée artificiellement. Que ce produit soit proprement interdit, dénoncé dans les écoles, pourchassé par la maréchaussée, pourfendu par la magistrature, saisi et pendu haut et court en place publique. Le délire de couleurs arc-en-ciel youpi évoque la vogue des acides des seventies : c'est germano déloyal d'halluciner la France, de pousser ainsi son rival à courser des éléphants roses, voire les dignitaires du PS volant à basse altitude sans se faire repérer par les radars. Chez Haribo, le petit bonhomme « Pik » hallucine grave : yeux explosés, langue pendante, air béat ahuri. Un piège pernicieux, à l'heure où nous devrions être tous unis pour relancer la croissance. Tout ça, pour la France, c'est pas bon. Encore moins bonbon.

Nicolas de La Casinière


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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 09:30

 

Reportage dessiné "Une cirrhose et au lit", par 16art.

Festival de la BD d'Angoulême, 26/29 janvier 2012.

Versions : JPEG ou PDF.

 

n8 p17 BHL Angouleme

 

 


 

39Festival international
de la bande dessinée d’Angoulême

PALMARÈS OFFICIEL

[Version PDF à télécharger ici]

 

GRAND PRIX DE LA VILLE D’ANGOULEME 2012

Jean-Claude DENIS

 

FAUVE D’OR - PRIX DU MEILLEUR ALBUM, parrainé par la Fnac

Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle (Editions Delcourt)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX SPECIAL DU JURY, parrainé par la Fnac

Frank et le congrès des bêtes de Jim Woodring (Editions L’Association)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX DE LA SÉRIE, parrainé par la Fnac

Cité 14 Saison 2 T1 : Chers corrompus de Pierre Gabus et Romuald Reutimann
(Editions Les Humanoïdes Associés)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX RÉVELATION, parrainé par la Fnac

TMLP (TaMère La Pute) de Gilles Rochier (Editions 6 Pieds sous terre)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX REGARDS SUR LE MONDE, parrainé par la Fnac

Une vie dans les marges T1 et T2 de Yoshihiro Tatsumi (Editions Cornélius)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX DE L’AUDACE, parrainé par la Fnac

Teddy Beat de Morgan Navarro (Editions Les Requins Marteaux)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX INTERGENERATIONS, parrainé par la Fnac

Bride Stories T1 de Kaoru Mori (Editions Ki-Oon)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX DU PATRIMOINE, parrainé par la Caisse d’Epargne

LaDynastie Donald Duck – Intégrale Carl Barks T4 de Carl Barks (Editions Glénat)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX DE LA BD FNAC, parrainé par la Fnac

Portugal de Cyril Pedrosa (Editions Dupuis)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX FAUVE DU POLAR, parrainé par SNCF

Intrus à l’étrange de Simon Hureau (Editions La Boîte à Bulles)

 

FAUVE D’ANGOULEME PRIX JEUNESSE, parrainé par la Caisse d’Epargne

ZombilléniumT2 : Ressources humaines d’Arthur de Pins (Editions Dupuis)

 

FAUVE D’ANGOULEME – PRIX DE LA BANDE DESSINÉE ALTERNATIVE

Kus ! volume 9 (périodique édité à Riga en Lettonie)

 

 

 

 

• PRIX JEUNES TALENTS, parrainé par la Caisse d’Epargne

1er lauréat : Jérémie Moreau de Valence pour « Le Suicidaire altruiste »

2e lauréat : Félix Meunier de Strasbourg (sans titre)

3e lauréat : Marion Roger de Strasbourg pour « Septentrion »

 

• PRIX JEUNES TALENTS DE LA REGION POITOU-CHARENTES, parrainé par la région Poitou-Charentes

Mathieu Zanellato dAngoulême pour « Amour vache »

 

PRIX DU CONCOURS DE LA BD SCOLAIRE « A L’ECOLE DE LA BD »,parrainé par la Caisse d’Epargne

Prix d’Angoulême de la BD Scolaire :

Valentin Morice 14 ans, pour ses 2 planches sur la thématique de la musique

Prix Coup de cœur du Concours de la BD Scolaire :

Line Hachem - 16 ans, pour son œuvre « Egocentriques »

Prix Humour du Concours de la BD Scolaire, parrainé par Fluide Glacial :

Arthur Pascal - 14ans, pour son œuvre « Paul & Tool »

Prix Graphisme du Concours de la BD Scolaire :

Cécile Bidault - 17 ans, pour son œuvre « L’Ennui »

Prix Scénario du Concours de la BD Scolaire :

Nicolas Guine - 16 ans, pour son œuvre « Une moustache qui en dit long »

 

• PRIX BD DES COLLEGIENS DE POITOU-CHARENTES, en partenariat avec le rectorat de Poitiers

S.A.M.tome 1 – Après l’hommede Richard Marazano et Xiao Shang (Dargaud)

 

• PRIX DES ECOLES D’ANGOULEME, en partenariat avec la Mairie d’Angoulême

Où es-tu Léopold ? T2 - Un pacte en hiverde Vincent Caut et Michel-Yves Schmitt (Dupuis)

• CONCOURS REVELATION BLOG, parrainé par la Caisse d’Epargne

Marie Spenalepour le blog « Les Lapins roses ne courent plus dans les champs »


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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 09:00

 

L'édito version longue du Z Minus (Une de Soulcié).


n8 p11 Zminus Une

 

 


 

On peut raconter des conneries sur la Marine, c'est pas la peine de s'excuser avant. Faut pas se priver, ses prédécesseurs ne se sont pas gênés. A la fin du XIXe siècle les parlementaires avaient de la verve dans l'invective. L'insulte jaillit vite, seule ou en grappe : « excrément, pied, gland de potence, baron de mes deux, Zola, gâteux, enjuivé, moule à claque, olibrius, fœtus, déflaque », et même « Dreyfus », nom propre sali, en tous cas pour les antisémites, qui ne manquaient pas, à l'époque. Lors de l'Affaire Dreyfus, le Parlement retentit de vocables charmants : « Chameau, volaille, vieille gravure, sabot, pantoufle, Béni-bouf-bouf, abcès, pou », le tout lancé à la gueule avec force points d'exclamation. Ce doux cérémonial s'est un peu perdu. Dommage, on se marrait bien.

Avant d'être élu en 1974, Valéry Giscard d'Estaing avait promis qu'il ne poursuivrait personne pour outrage au chef de l'État. Après son élection, Libé qui savait rigoler titre en Une : « Insulter Giscard, c'est légal », assorti d'une colonne d'injures : « Tête de con, pourri de bourgeois, pomme, naze, facho, rat d'égout, peine à jouir, trou du c..., fils à papa, requin d'arriviste, mange caca, pisse froid, menteur, crétin, grande saucisse sans moutarde, pue du bec, oiseau de mort, vautour, tire au flanc, tête molle, gras du bide. Sans oublier : accordéoniste de mes deux, jean foutre, traîne savate, sale duc, enflé de Chamalières, carambouille et compagnie, tête d'œuf aristo, pouffiat, serpillère, gelé, morveau, chancre discret de la bourgeoisie, tête de nave, cul de poule, armoire à merde, ducon la joie, frimeur, obsédé, zinzin, gagne-petit, radin, grand zouave, sale homme politique, enfoiré, tas de merde dans un bas de soie, trouillard, tête de noeud, bachibouzouk, anachorète, phacochère de la politique, Royer, Druon petit con petit con petit con tordu, crétin, baratineur, chacal perfide, vipère lubrique, dadet, rigolo, coureur, pique-assiette, andouille, aprostatique, petite chose, pomme à l'eau, réformateur, ITT, du gland, enfant de Pétain, coca cola, vachequiriphile, vieux beau, peigne cul, hémorroïde vengeresse, Giscard à la barre... » Injure suprême, puisque c'était son slogan de campagne.

 

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 12:10

 

Du bruit dans le Grolanderneau

 

Lors de la première édition du festival Satiradax en 2011, Zélium a rencontré Benoît Delépine, spécialiste des médias d’hier et d’aujourd’hui. Avec le journaliste correspondant grolandais, nous avons tenté de percer le mystère technologique du Web -2.5. Un regard visionnaire jusqu’aux confins de la révolution numérique.

 

Zélium : Avec la nouvelle esthétique de Groland.con cette année, on voit bien que vous avez enfin franchi le pas des vieilles technologies.

Benoît Delépine : Après bientôt 20 ans de Groland, on se sent hyper vieux et largués. Alors on s’est dit faut qu’on franchisse le gap technologique. C’est là que nous est venu l’idée de Groland.con avec le minitel, les disquettes, les vieux modems et tout le bordel. On devait être encore bourré…

Les nouvelles technologies, ya que Moustic qu’aime bien ces trucs-là. Comme il a peur de vieillir, il s’accroche à Internet comme un clébard à son os. Il a même crée I have a dream, sa propre radio sur le ouèbe.

 

n5 IoO Benoit Delepine

 

Vous pensez à vous mettre à la page des nouveaux médias ?

Avant dans le Magzine, il y avait une revue de presse. Le truc classique avec les Unes de la presse grolandaise (Soir Matin, Pourri Match, Les Échus…), maintenant c’est une revue des sites internet (Rue69.grd ou lesincrocuctibles.con). La presse, c’est fini. À ta place, ça me foutrait les boules…

Sérieusement, on va bientôt avoir une application GroPhone. J’ai pas compris à quoi ça sert, mais apparemment elle permettra de tâcher ton écran tout seul. Pour éviter de le faire avec tes sales doigts dégueulasses. Sinon, y aura tout : les vidéos, l’historique, la géographie avec Grogle map, le doctissimo grolandais… en fait, tu pourras vivre en autarcie avec cette application.

NB : Téléchargeable pour de vrai ici.

 

Imaginez-vous encore un recul technologique possible ?

Hola, ça va être difficile. On va essayer de rester le plus longtemps possible en 2D. Parce que nos gueules en 3D dans ton salon, imagine !

 

Vous avez des chiffres du visionnage de l’émission sur le site par rapport à la télé ?

Aucune idée… Pourtant Canal+ doit connaître ces chiffres. Le fait de pouvoir parler toutes les semaines à 1 million de personnes à la télé, c’est rarissime. Surtout en faisant des trucs vraiment trash. Sur Internet, je dirais 1,5 millions, à 1 million près. Vu qu’on est seulement diffusé sur le câble grolandais, tous ceux qui n’habitent pas au Groland le regardent sur Internet. Ça me fascine toujours de savoir qu’il y a des mecs en Australie ou en Afrique qui nous regardent. C’est grâce à l’arrivée des grandes ondes. C’est bien ça ?

 

Est-ce que le président Salengro fera sa campagne sur les réseaux sociaux, comme Obama ?

Bien sûr, puisque l’année prochaine c’est la grande campagne de réélection de notre président. Vu qu’on fonctionne par septuanat, il est élu pour 70 ans. Il est toujours en campagne car, comme c’est le seul candidat et le seul votant, il doit s’auto-réélire chaque année. Bon, faut faire gaffe quand même. Comme il est très alcoolique, il pourrait voter pour quelqu’un d’autre…

 

Vous restez de toute façon dans la parodie de ce que font les médias ?

On est de plus en plus débordé pour réussir à faire plus con que les conneries de la télé. Mais on a beau parler de l’actualité, finalement nos sketchs restent encore poilants 5, 10 ou 15 ans après. D’ailleurs, toutes les semaines, on prend un branleur en stage pour visionner tous nos vieux sketchs pour qu’ils choisissent, avec son regard neuf, ceux qui pourraient être à nouveau diffusables. On les change souvent ces petits jeunes, parce que psychologiquement c’est pas facile de nous regarder jeunes et minces. De toute façon, ils ne nous reconnaissent pas. Notre grande joie, c’est quand on arrive à rediffuser ça directement, parce que ce qu’on racontait en revanche n’a pas pris une ride.

 

Ça ressemble à du recyclage…

Oui, mais on est tellement atteint, que la plupart on s’en souvient plus. On revoit qu’on a fait beaucoup de merde aussi. Mais on se rend compte aussi qu’on s’attaquait à des tendances lourdes, et pas trop aux petits faits divers qu’on nous ressort sans arrêt. C’est ça qui reste atemporel.

 

Vous n’êtes pas fasciné par les effets que peuvent produire les réseaux sociaux, comme pour l’organisation des récentes luttes révolutionnaires ?

L’air de rien, on écrit plein de choses dont on ne garde qu’une partie parce qu’on considère que c’est relativement original. Et on jette tout ce qu’on considère comme déjà-vu ou pas intéressant. Le militantisme ça nous prendrait trop le chou... comment dire. Si on se lance à faire un vrai site, ou même monter une boite de production, ça demande une énergie folle. Et on aurait moins de temps pour faire le principal, de monter une émission qui tient la route.

Par contre, une utilisation des technologies pour laquelle j’aurais envie de me battre, ce serait pour une forme de démocratie directe. Tous les soirs en rentrant chez toi, par exemple, tu aurais à faire des choix sur les décisions pour ta commune, ton département ou ton pays. C’est carrément utopique, mais ce serait une belle forme de démocratie anarchiste. Dans les réunions militantes, on retrouve toujours les mêmes inégalités, entre les grandes gueules, les timides, ceux qui ont l’habitude de parler en public… À Attac, on retrouve les mêmes luttes de pouvoir que dans un parti politique. Tant qu’on n'aura pas une prise de décision directe, ce sera compliqué. Les technologies pourraient servir à ce genre de bordel.

 

Propos recueillis par Emmanuel Lemoine

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20 décembre 2011 2 20 /12 /décembre /2011 12:05

 

 

“Avant on condamnait à mort, aujourd'hui on enferme à mort”

 

La brave démocratie française a fièrement aboli la bascule à charlot, mais pas la peine de mort lente, la destruction délibérée du taulard.

 

Trente ans après la prétendue abolition de la peine de mort, l'administration pénitentiaire garde toujours un droit de vie et de mort sur les prisonniers. L'Envolée, journal critique du système carcéral et judiciaire, dénonce l'obscénité d'une telle célébration *.

 

Zélium : Alors comme ça, le 9 octobre n'a pas été l'anniversaire des 30 ans de l'abolition de la peine de mort, mais plutôt celui de l'aménagement de la peine de mort ?

L'Envolée : Pour nous, le 9 octobre 1981, ce n'est pas la peine de mort qui a été abolie, mais seulement la guillotine. La fin de son usage sert surtout de symbole à ceux qui veulent croire au temps révolu de la barbarie. Mais le processus d'élimination est resté le même. Sauf que la guillotine a été remplacée par des peines de plus en plus nombreuses, de plus en plus longues et qui vont bien des fois jusqu'à la mort. On n'arrête pas de le dire. En 2009, suite à l’évasion de Christophe Khider et Omar Top el Hadj, plusieurs collectifs anticarcéraux ont lancé une campagne pour dénoncer la mort lente en prison, les longues peines et les quartiers d’isolement (QI), dont on peut dire, sans la moindre ambiguïté, qu'ils sont la continuité des quartiers de haute sécurité (QHS) supposés abolis eux aussi en 1981.

Mais rares sont ceux qui font entendre un point de vue différent de celui du pouvoir, ce mélange de cynisme et d’humanisme dégoulinant de bonnes intentions. Malheureusement, nous ne faisons entendre qu'une toute petite voix face à la surconsommation médiatique de ce discours lénifiant.

 

À remettre en cause la « Saint-Badinter », vous allez passer pour des pro-peine de mort...

Il est bien évident que nous sommes contre la peine de mort. On ne peut qu’approuver l’objectif que la peine de mort n'existe plus nulle part, mais on est en droit de s’interroger sur certains effets de ce combat. Il est de bon ton de dénoncer la barbarie des pays qui maintiennent la peine de mort, et par exemple récemment les médias en ont fait des tonnes sur l'exécution d'un condamné au Texas. Mais tout cela sert à masquer la réalité profonde de la prison : une réalité de destruction, d'élimination et donc de mort. En 1972, Michel Foucault écrivait déjà « Tout le système pénal est au fond orienté vers la mort et régi par elle. La prison n'est pas l'alternative à la mort, elle porte la mort avec elle. » Si l’on parle de barbarie, elle existe toujours en France.

 

n7 Caza PrisonTue

 

Et qu'en disent les prisonniers, qui sont les premiers concernés ?

Autant en 2001, à l'occasion du 20e anniversaire, des prisonniers avaient dénoncé cette mascarade, autant cette fois-ci on n'a eu vent d'aucune démarche collective et on n'a reçu aucun courrier. On a bien sûr regretté que derrière les murs, personne n'ait profité de cet anniversaire pour dénoncer le fait qu'aujourd'hui encore on enferme à mort. Même si ce n'est pas dans nos habitudes, on s'est quand même autorisé à en faire la Une. À L'Envolée, on a pour principe de transmettre les écrits et les paroles des prisonniers et à partir de ces témoignages, de développer une certaine analyse des choses et de les situer dans un contexte qui est en fait éminemment politique. Il ne s'agit absolument pas de se mettre à parler en leur nom ou à leur place. Du coup, on a notamment repris l'histoire de Pierre-Just Marny, qui a passé 48 ans de sa vie derrière les murs et qui en est mort très récemment, ou encore celle de Laurent Orsini, qui lui s'est vu refuser le droit de mourir, pour rappeler qu'enfermer, c'est toujours s'octroyer le droit de vie et de mort d'un prisonnier.

Et puis, il faut rappeler aussi qu'en 2006, dix prisonniers de Clairvaux condamnés à de longues peines avaient bravé les interdictions et les lois pénitentiaires pour lancer un appel désespéré et demander le rétablissement de la peine de mort pour eux-mêmes, et ainsi ne plus avoir à subir la mort lente de l'enfermement. Le Garde des Sceaux de l'époque s'était empressé de tourner cela en dérision, mais cet appel avait eu l'extraordinaire mérite d'exister et il avait suscité de nombreux commentaires. Il devrait en quelque sorte être répété tous les jours, parce qu'il est toujours légitime et d'actualité et qu'il correspond à ce que vivent continuellement un nombre important de personnes enfermées.

 

D'autant que la situation des prisonniers ne fait qu'empirer...

Exactement. Si on passe rapidement en revue ces dix dernières années, on voit que tout s'inscrit dans la logique du punir plus et de l’enfermer plus, avec toujours le même cynisme et la même stratégie de récupération du moindre fait-divers pour instaurer nouvelles lois sur nouvelles lois, mesures répressives sur mesures répressives. En dix ans, tout le dispositif carcéral a été revu à la hausse, avec bien sûr en première ligne la construction de nouvelles prisons. Évidemment, l'argument mis en avant de lutte contre la surpopulation carcérale ne tient pas : il s’agit en fait d’enfermer toujours plus. Quant au soi-disant discours humaniste d'amélioration des conditions d'enfermement, on s'aperçoit qu'elles sont en réalité de moins en moins humaines, avec une restriction maximale des contacts entre les prisonniers, mais également avec les matons. On a reçu un courrier d'un prisonnier transféré dans un de ces nouveaux établissements high-tech très sécurisés qui regrettait les cafards de son ancienne cellule, parce qu'au moins c'était de la vie.

 

Et parallèlement, on a eu une avalanche de nouvelles lois de plus en plus répressives...

Et ça commence en bas de l'échelle par la création de nouveaux délits. Ensuite il y a tout un tas de délits qui avant n’étaient pas sanctionnés par une peine d’emprisonnement et qui le deviennent. Ça concerne bien sûr certains délits routiers, mais il y a plein d'autres exemples, plus ou moins connus, mais tout aussi significatifs. Par exemple, l'évasion. Avant, le système judiciaire français considérait qu'il y avait comme une sorte de droit à l'évasion, qu’il était en quelque sorte légitime qu'un prisonnier cherche à s'évader. Désormais toute tentative est sanctionnée par une peine d'emprisonnement.

 

Vous évoquiez aussi un allongement des peines pour parachever le tout ?

Avant, une peine de 20 ans, c'était quelque chose d'exceptionnel, considéré comme une peine maximale. Maintenant, c'est devenu une sorte de normalité qui ne choque plus personne. Mais prenons le temps de réfléchir à ce que ça signifie : une peine de 20 ans, c'est une peine d'élimination. Qu'on ne vienne pas, après, parler de réinsertion... Et là, on constate que quelqu'un qui en 2001 aurait pris 20 ans pour un crime, va aujourd'hui en manger pour 30, 35 ans, avec des périodes de sûreté de plus en plus importantes. Quant à la rétention de sûreté, c'est vraiment quelque chose d'extraordinaire. Il suffit qu'un collège d'experts déclarent qu'une personne est supposée trop dangereuse pour qu'au lieu d'être libérée, elle reparte pour deux ans d'emprisonnement, renouvelables à l'infini. Non seulement, ça donne la possibilité de continuer d'enfermer des gens sur la seule base de délits virtuels, puisqu'ils ont déjà purgé la peine pour les délits commis, mais ça permet aussi de se rapprocher tranquillement de la perpétuité réelle. Avant on condamnait à mort, aujourd’hui on enferme à mort.

 

Quand on parle de la mort en prison, on peut difficilement faire abstraction de la problématique du suicide…

Déjà, il faut savoir que pour nous il n'y a pas de suicides en prison, parce que c'est la prison qui détruit, c'est la prison qui tue. Il y a toujours eu une grande opacité de l'administration autour des suicides ou morts suspectes en prison. Il est difficile de les comptabiliser précisément, parce qu'on est tributaire des informations que laisse passer l'administration : elle ne communique qu’un chiffre global, qui ne peut donc être étayé par des informations précises. Celles-ci ne parviennent que rarement à sortir. Évidemment, ça ne tient pas compte non-plus de ceux qui mettent fin à leurs jours parmi les proches et les familles des prisonniers. Que ces personnes, elles aussi, soient durement éprouvées par la prison reste une réalité peu connue.

On sait très bien que les chiffres officiels des suicides en prison sont sous-évalués. Reste qu'en 2009, l'administration a été obligée de reconnaître 122 suicides ou, pour le dire autrement, elle n'a pas pu ne pas les reconnaître. Avec ce chiffre, la France s'est retrouvée avec le taux de suicide en prison le plus élevé de l'Europe des quinze. Et ça, c'est devenu inacceptable. Non pas pour ce que ça révèle de la manière globale dont sont traités les prisonniers mais pour le fait que la France soit montrée du doigt par l'Europe, c'est ça qui est devenu inacceptable.

 

Ce qui explique que les pouvoirs publics se sont empressés de s'emparer du sujet avec la mise en place d'un magnifique programme de prévention qui a dû profondément vous réjouir...

Les mesurettes mises en place par Alliot-Marie étaient toutes plus grotesques et indécentes les unes que les autres. Des choses aussi atterrantes que la mise à disposition de parfum avant les parloirs pour que le prisonnier sente bon quand il retrouve sa femme, ou encore la distribution de kit de sécurité comprenant entre autres un pyjama en papier anti-suicide, avec lequel d'ailleurs plusieurs prisonniers ont réussi depuis à se pendre. C'est toujours la même stratégie, la même supercherie qui est utilisée, pour faire croire que la France fait de gros efforts, que ce soit en matière de lutte contre le suicide ou de réinsertion. On fait de la com' en mettant en avant des actions bidon qui font office de cache-misère. Et ça marche.

 

Propos recueillis par Linda Maziz

 

* Dossier du n°31 (septembre 2011).
 

 



Contact : L'Envolée, 43, rue de Stalingrad, 93100 Montreuil.

Radio : les vendredis sur FPP (106.3 FM) de 19 à 20h30.

Web : http://lejournalenvolee.free.fr
 

 



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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 15:25

 

"Questions centrales :
on s'en fout, on continue"

 

Nucléaire, pétrole, toujours à fond, coincé entre la fuite et la croisade, la catastrophe et la guerre…

 

 

Zélium : Alors voilà, Fukushima. Ça représente quoi pour vous cette catastrophe ?

Hervé Kempf : C’est un  tournant, aussi important que Tchernobyl en 1986, et qui va durablement affecter l’industrie nucléaire et la façon dont on la perçoit. C’est aussi un rappel extrêmement violent de ce que beaucoup d’écologistes disent depuis longtemps, à savoir que le nucléaire n’est pas une réponse satisfaisante au problème du changement climatique. Puisque même si l'énergie nucléaire émet peu de gaz à effet de serre, elle présente d'autres inconvénients insupportables. Notamment, cette possibilité d’un accident nucléaire qui va empoisonner au minimum des centaines de km2 pour des dizaines ou des centaines d’années.

 

Et encore, on ne mesure pas toutes les conséquences...

H. K. : Pour l’instant, ce qu’on peut dire de manière quasiment certaine, c’est qu’il y a au moins trois voire quatre réacteurs de la centrale qui sont irrécupérables. L’enjeu maintenant est de les boucher, pour empêcher les fuites, sachant qu’aujourd’hui, même à petite dose, elles sont manifestes et permanentes. Une fois bouchés, les réacteurs restent extrêmement radioactifs et dangereux. Donc, comme à Tchernobyl, on les recouvrira d’un sarcophage, qui sera une sorte de mausolée supplémentaire de déchets nucléaires.

 

n3 IoO HervE Kempf

 

Pourquoi la France a-t-elle des enseignements à tirer de la situation japonaise ?

H. K. : Parce qu'elle se trouve est dans une situation très comparable. Avec Tchernobyl, c’était différent. Pour faire simple, on n’avait pas à en tirer de conclusions, parce que c’était des Russes et que c’était l’Union soviétique - sous-entendu, un régime irresponsable avec des gens qui maîtrisaient mal la technologie. Avec le Japon, on ne peut pas avoir cette attitude méprisante. C’est quasiment le pays le plus en pointe, avec un niveau technologique incontestable. Indépendamment des événements extérieurs que sont le séisme et le tsunami, on constate que même dans un pays techniquement sophistiqué, il peut y avoir une perte de contrôle et une incapacité à gérer une situation désastreuse qui conduit à une catastrophe écologique.

L’autre rapprochement à faire, c’est qu’au Japon comme en France, le nucléaire a été introduit de manière opaque et antidémocratique, ou plus exactement dans un déni de démocratie. Dans les deux cas, on peut parler d’oligarchie nucléariste et d’une connivence entre les responsables politiques et l’industrie, qui a permis d’imposer le nucléaire sans le mettre en débat. Sauf qu’aujourd’hui, les nucléaristes ne peuvent plus nier qu’un accident est entré dans le domaine des probabilités. Logiquement, cela doit pousser la société française à interroger sérieusement le nucléaire et au minimum à délibérer ouvertement des questions des déchets, de la sécurité, du coût de cette énergie. Ouvertement, c'est-à-dire avec des informations complètes et exactes, communicables à tous les citoyens. Il s'agit de rompre cette espèce d’impossibilité dans laquelle on est de discuter sérieusement du nucléaire.

 

Mais enfin, à entendre les autorités, un accident nucléaire en France est impossible...

H. K. : Bien sûr que si c’est possible. On est passé, le 27 décembre 1999, à deux doigts d’un très grave accident à la centrale française du Blayais, lorsqu’une inondation a mis hors service des pompes essentielles à sa sécurité. Il y a d’ailleurs eu des incidents graves ces dix dernières années dans trois pays réputés pour la qualité de leur sûreté nucléaire. Après la France au Blayais, il y a eu le 25 juillet 2006 la centrale suédoise de Forsmark qui a dû être stoppée d’urgence et le 16 juillet 2007, la centrale japonaise de Kashiwazaki-Kariwa , qui à la suite d’un séisme violent, a subi une fuite d’eau radioactive. Au regard de ces précédents, Fukushima est moins un accident que l’aboutissement d’une série annonciatrice. Ce n'est pas une météorite tombée du ciel. Il y a eu des alertes, un accident était prévisible, mais les oligarques n'ont pas tenu compte de ces avertissements.

Chez les observateurs critiques du nucléaires, l'inquiétude se réveillait depuis plusieurs années,  parce qu’on constatait la montée de la pression financière à la rentabilité, dans une logique de course au profit, de privatisation, qui faisait que les soi-disant responsables, tablant sur la renaissance du nucléaire et rivalisant de manière acharnée pour vendre des centrales, poussaient à relâcher l’attention sur la sécurité.

 

Comment interprétez-vous le refus immédiat des autorités françaises à engager un débat sur l’avenir du nucléaire en France ?

H. K. : Il est dans la logique de leur mutisme et de leur “aveuglement”. Le nucléaire fait partie des tabous et des idées reçues que l’oligarchie capitaliste ne veut pas remettre en cause. Dans sa logique de pensée figée, la croissance économique, c’est bien, l’augmentation de la consommation d’électricité, c’est inévitable, le nucléaire, c’est bien. Donc, on n’en discute pas, puisque c’est bien ! Là, leur première réaction a été de dire, sans même avoir réfléchi ni étudié la question, que cet accident ne nous concernait pas, puisque c’était au Japon et à cause d’un tsunami. J’ai fait récemment une enquête sur la sortie du nucléaire qui m’a amené à contacter le cabinet d'Éric Besson. J'y ai appris que le ministère de l’Énergie n’a élaboré aucun scénario de sortie du nucléaire, même pas à titre d’étude ou d’exercice d’imagination. Alors que le principal partenaire de la France, l'Allemagne, se prépare sérieusement à cette évolution depuis dix ans !

 

Ça vous effraie ?

H. K. : Oui, l’incapacité de ce système et de ces gens qui se croient les meilleurs à se remettre en question est effrayante, et le nucléaire n’en est qu’un exemple parmi d'autres. Pour la crise financière, c’est pareil. On est passé en 2008 juste à côté d’un effondrement économique. Deux ans après, rien n'a changé. Les banques ont repris le haut du pavé, avec les mêmes comportements spéculatifs, le même refus des régulations, les mêmes rémunérations extravagantes. Je suis frappé par leur absence totale d’imagination, par leur incapacité à envisager  un autre monde. “There is no alternative” disait Margaret Thatcher et cette pensée unique reste la règle d'or de la classe dirigeante. Le nucléaire en fait partie. Ce que montre Fukushima, c’est l'incompétence des experts et des dirigeants quand ils ne sont pas sous le regard des citoyens : il y a eu un accident gravissime, alors qu’ils juraient leurs grands dieux que c’était impossible. 

 

Y a-t-il aujourd’hui la possibilité d’une réponse démocratique au lobbying du nucléaire en France ?

H. K. : Incontestablement, ça va donner des arguments très forts à ceux qui disent que le roi est nu. Mais en France, la bataille s’annonce particulièrement difficile parce que l’appareil de pouvoir est totalement gangrené par l’idéologie nucléariste, qui bénéficie – comme c'est la règle en régime oligarchique - d’un soutien sans faille institutionnel et médiatique. On ne pourra vaincre la résistance des pouvoirs que si, comme dans le cas des OGM ou du gaz de schiste, les gens soutiennent de manière claire et visible ceux qui tiendront le discours de contre-expertise. C’est absolument nécessaire. Face à des gens qui vont s’appuyer sur tout l’appareil de pouvoir économique et institutionnel, les contre-experts ont besoin d’un vrai soutien populaire. La démocratie n’est pas seulement une question d’ouverture du débat ou de légitimité reconnue de la contre-expertise, elle suppose un engagement conscient des citoyens pour manifester qu’une autre voie est possible.

 

Justement est-ce que la récente victoire en Allemagne des Verts aux élections régionales est une réponse démocratique à la catastrophe qui peut en augurer d’autres ?

H. K. : Oui, mais ce qu’on va voir en entrant dans un processus de débat démocratique, c’est que sortir du nucléaire tout en évitant un changement climatique implique des choix qui ne sont pas seulement techniques. Ça inclut aussi une remise en question profonde de l’ordre social, de notre façon de vivre, de l’organisation collective, de la répartition des flux et des richesses... Derrière le nucléaire se pose un enjeu d’organisation de la société, parce que sortir du nucléaire, suppose avant tout de réduire fortement la consommation d’énergie et donc remettre en question les valeurs de surconsommation et de productivisme, qui forme la référence de l'actuel système économique. Alors oui, les Allemands vont se trouver confrontés à ce défi et devront y répondre sans louvoyer.

 

La catastrophe de Fukushima et l’offensive en Libye sont arrivées presque en même temps. Pour vous, catastrophe nucléaire et guerre pétrolière vont de pair.
Est-ce parce qu’elles sont deux conséquences de la façon dont l’oligarchie impose sa vision au reste du monde ?

H. K. : Plutôt que d'accepter le changement qu'impose la crise écologique et l'injustice qui déchirer nos sociétés, le capitalisme est arrivé à un point de son histoire où il ne trouve plus comme issue que la catastrophe et la guerre. La “protection des populations civiles” de Libye, qui justifie l’entrée en guerre de la France - sans vote au parlement, ce qui est inconstitutionnel - a bon dos. L’Occident ne dit rien de ce qui concerne la zone d’influence de l’Arabie saoudite, parce qu’elle détient les clés du pétrole.

Nous sommes dirigés par des gens qui en 2007 étaient prêts à vendre des réacteurs nucléaires au gouvernement de Kadhafi, et qui quatre ans plus tard, le découvrent insupportable. Cette intervention en Libye vise le pétrole, point. Elle témoigne aussi qu’après l’Afghanistan, après l’Irak, la tentation de résoudre les problèmes par la violence reste toujours aussi vivace chez l'oligarchie.

 

Propos recueillis par Linda Maziz

 

À lire aux éditions du Seuil : L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie,  2011. Pour sauver la planète, sortez du capitaliste, 2009. Comment les riches détruisent la planète, 2007.

 

• Retrouvez également l'auteur sur son site www.reporterre.net


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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 15:07

 

Manifeste pour le droit à la nudité et à la sexualité dans l’espace public

 

Pour paraphraser le génial anarcho-primitiviste Robert Dehoux, le zizi sous clôture inaugure la dictature !

 

Les gentilles tombeaulangues ont doux jeu de critiquer la burka ou le voile dans l’Islam, mais notre rapport au désircorps est-il fondamentalement différent ? Les maniaco-répressives lois occidentales continuent de sanctionner très sévèrement(1) la nudité dans les lieux publics, et nous sommes à peine moins vêtus, même en été, qu’un musulman intégriste, un rabbin ultra-orthodoxe ou un papétron en pleine promotion du débilitant fascisme catholique. Nul corps nu ne fornique jamais sur l’herbe de nos parcs printaniers, et les amants en sont réduits à s’accoupler dans la sinistre cage de leur propriété privée, presque aussi étouffante qu’un bunker carcéral.

 

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Les flics par contre, les flics, grouillant de plus en plus cafardeusement dans tous les recoins de la ville, exhibent orgueilleusement ces instruments de morsouffrance que sont matraques et flingues à massacrer les sans-papiers, le délinquant par pauvreté, l’anarchiste qui éclate le pare-brise d’une Porsche à la batte de base-ball, le black-blocker qui cocktailmolotove une banque, le sans-abri qui vocifère ivrement sa colère, le constestataire qui paralyse un TGV avec un fer à béton sur les caténaires, et tous les autres magnifiques indisciplinés. L’État ! L’État fait parader ses tanks et ses assassins en uniforme à chaque fête nationale, mais le disciple de Diogène, qui se masturbe inoffensivement sur un banc de square, se retrouve en cellule pour avoir trop bien affirmé son droit à la librextase. L’armurier affiche ses fusils, poignards et revolvers en pleine vitrine tandis que les sex-shops n’étalent leurs appétissantes revues que loin des yeux du passant. Les statues du génocidordurier Léopold 2 souillent Bruxelles, mais Bruxelles ne recèle aucune statue de satyre en érection, ou de ménade écartant large ses petites lèvres pour offrir au jubilant soleil le calice de sa délectable vulvounette. Le chasseur ensanglantéradique légalement la faune, mais la faune ne gicle que derrière murs et rideaux. Le cinéma nous assène d’ultra-réalistes scènes de meurtre, de violence, de bagarre, de cassage de gueule dans le plus familial des films, mais aucun sexe humide ou tendu de concupiscence n’enjolivorgasme jamais l’écran, comme si notre nécrolâtre cultucensure avait fait vœu de ne célébrer que l’enfer au détriment du paradis terrestre, ce qui explique sans doute pourquoi la dépression l’emporte désormais sur la jouissance, dans nos torturantes sociétés d’écœurobéissants zombies.

 

Nous estimons donc qu’il est urgent de violer sauvagement la morale des sadocrétins en réaffirmant haut et fort les fondements de l’éthique libertaire : fais tout ce que tu voudras sans nuire à personne sauf, bien entendu, aux gardiens de nos prisons. Cette éthique, ne perdons plus notre temps à la distiller encore par le verbe, incarnons-la plutôt exhibitocharnellement chaque fois que nous en prend la fantaisie. Baisons et bonobotisons à tour de muqueuses dans le tram, au travail, au bureau de chômage, dans les bistrots, sur les bancs de l’école ou la table du resto, au cinéma, dans les gares, sur les marches du Palais du Déni de Justice, dans les jardins du Palais Frical, sous les fenêtres du Parlogagatement, ou encore dans les zoos, avant d’en libérer carnavalesquement les animales victimes de notre anale dilection pour la coercition.

Copulons ! Copulons ! Copulons ! Copulons sans pantalon, copulons à même le trottoir, copulons contre les lampadaires, copulons sur le capot des voitures, copulons dans les églises, les synagogues et les mosquées, copulons dans les supermarchés, copulons chez le dentiste, copulons dans les commissariats, copulons même dans les champs de potirons, et suçons-nous barbarexquisément les délices en attendant que le feu pour piétons passe au vert ! Bref, baisons partout et toujours là où nous en saisit l’envie, sans nous soucier du qu’endiratonlaveur des ignarineptes molles consciences susciteuses de guerres et d’économiques iniquités.

 

"Oui mais, oui mais, cela ne risque-t-il pas de choquer l’extrême sensibilité de nos angéliques enfants ?" baveront les castrateurs ignoblement impatients de se reproduire pour surpollupeupler davantage encore notre planète bientôt défunte.

À quoi je répondrai que la nudité choque sans doute moins les enfants que la contemplation, à chaque JT, des maladies-misères-famines du tiers-monde que notre égoïsme engendre, ou encore celle d’un enfant irakien brûlé et amputé de ses quatre membres lors du bombardement de Bagdad par nos armées chirurgicalement humaniter-rifiantes. Et puis, songez que si les prépubères, volontiers hilarés par la nudité, étaient horrifiables par la sexualité, il ne serait pas nécessaire de les vitupérer lorsqu’ils se tripotent la jouissoire, ni de ruser de logiciels pour leur interdire de la contempler salivairement sur Internet…

 

Peut-être enfin nos intelligents enfants se demandent-ils parfois si notre honte du sexe n’est pas le reflet déformé de notre honte de leur avoir imposé de vivre dans notre monde inouïment immonde. Eh quoi, grincheux sectaires polymorphes, c’est tout de même avec les organes que vous censurez que vous fabriquez ce que trop souvent vous maltraitez ! Ainsi donc : fuck, fuck, fuck and fuck everywhere ! comme le chantaifaisait si lubriquement l’omnisexuel lord Byron.

 

En une orgie comme en mille, surarmons-nous de rut, libertinlibertaires, et revendiquons ce droit que le terrorisme étatique ne refuse tout de même pas encore aux chiens et aux chats : s’accoupler à notre libre guise partout où nous l’ordonne le Plaisir, le Plaisir, le Plaisir, notre seul divin maître !

 

Théophile de Giraud

 

(1) L’article 222-32 du Code pénal français stipule que "L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende." Les nazizis n’auraient pas fait mieux : au secours !

 

 

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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 14:53



L’arrière-cour des miracles : Zigzag



Lui, on l’appelle Zigzag. Son surnom est certainement en rapport avec son neurone, qui cavalcade en zig-zag dans sa boîte crânienne. Un peu à la façon de l’ancêtre des jeux électroniques, un ping-pong minimaliste. Si l’on osait approcher son oreille de sa tête, sûr qu’on devrait entendre le toc ! toc ! toc ! toc ! Son neurone, également hérité des ancêtres de ses ancêtres, doit être composé principalement de silex. En effet, à chaque fois qu’il se cogne à l’intérieur, il crache une gerbe d’étincelles. C’est à ce moment-là que Zigzag fait ses conneries. Et comme dans sa caboche c’est tous les jours 14 juillet, s’il possède alors le regard lumineux…

n3 Decressac JeanClaude

Été, hiver, il se trimballe constamment en tricot de corps. Même certains étés où il ne fait pas chaud, ainsi que tous les hivers où il fait très froid. Plus exactement, le tricot de corps et son short sont la base de son habillement. Ce sont les gendarmes qui lui ont imposé ce minimum de textile, et ce, depuis ce jour où il se déplaçait sur son mythique vélocipède à pneus pleins, en tutu et les roubignoles au vent. Car si son marcel est immuable – collé à sa peau, jamais lavé – en revanche, en-dessous de la ceinture c’est le folklore surréaliste. Suivant un film vu à la télé, une photo de magazine aperçue sur le kiosque, une jobarderie soufflée par un hurluberlu, ou tout ça à la fois, malaxé dans son essoreuse interne et hop ! on voit parader sur son biclou couinant, ceint ou d’un pagne, d’un drapeau néo-zélandais, de peaux de lapin rehaussées de pattes de poulets, de divers rideaux de douche avec leurs gros anneaux en plastique, d’une mini-jupe d’inspiration Paco Rabane – pour la partie métallique, il avait enfilé des centaines de capsules de canettes de bière – et des dodéca(co)phonistes – pour la partie sonore.

Parfois, il a l’accoutrement très sobre. Il ne porte qu’un simple slip. Là, on peut être certain qu’il a l’intention d’aller se baquer dans la fontaine publique qui glougloute sur la place centrale. Pour l’esthétique du bain, il n’omet pas d’y ajouter un litre de concentré de savon liquide. Celui qui est vendu pour des besoins industriels. Tandis qu’on l’embarque dans le panier à salade, la foule chante le tube de Patrick Sébastien : "Le p’tit bonhomme en mousse !"

Parfois, donc, il s’affuble sobre. Mais lui l’est jamais. Ses cuites sont aussi excentriques que ses oripeaux. Un coup il décide de boire de A à F. Ça démarre avec l’anisette pour se terminer au fernet-branca. Faut quand même passer par le byrrh, la bistouille, le cointreau ou le demian (demi-panaché au vin blanc). Ça peut être, bien sûr, de M à S. Attaquer par le mojito, ma foi pourquoi pas, mais finir par le ricard-suze… La seule lettre bannie est évidemment le O. À jeun, on sait pas, mais il a la boisson douce, marrante et généreuse.

Quand le serveur lui demande s’il ne pourrait pas ramener les verres qu’il a sifflés en terrasse, il ramène en souriant. Avec le lourd guéridon, et sans casse.

Son problème n’est ni dans ses insolites fringues ou ses extravagantes pétées, non le gros problème qui va le faire s’écrouler c’est le pognon. Il en a plein. Il a le trop-plein. Déjà, lorsqu’on a appris – de la pure source sûre des bistrots – qu’il allait toucher un gros héritage, si on s’est retrouvés dubitatifs… Mais lorsque Bernard, le taxi local, nous a confirmé qu’il avait effectué un aller-retour de 1200 bornes pour emmener Zigzag chez un notaire, nos mâchoires ont claqué la carrelage. Bernardo – car muet. Taxi-muet, le rêve – nous a achevés en ajoutant que la course, d’un montant de 1750 euros lui a été réglée comptant, avec en supplément un resto gastronomique, une nuit dans un hôtel quatre étoiles et une passe avec une pute de luxe. Sans compter un pourboire impérial. Et Bernardo, c’est pas le rigolo à Zorro. Il n’y a pas eu besoin de justificatifs. Les mois qui suivent deviennent une ribambelle de confirmations. Que notre farfelu décore son quotidien de façon saugrenue, ben tiens, mais grâce à la manne du tonton Crésus, il pulvérise le baroque. Il peut, dans la même journée, effectuer 60 kilomètres à vélo pour aller récolter une cagette de fraises chez un producteur bio, pour l’offrir à une petite vieille qui veut retrouver le goût des fraises de son enfance, et acheter un scooter à un môme zupard qui bave à la devanture du marchand de bécanes. Il acquiert un side-car qu’il perfectionne d’une barre chromée surmontée d’une vitre coupe-vent teintée. Ainsi, il peut s’y tenir debout grâce à ce point d’appui et faire le tour de la ville en saluant les passants sans craindre le grand-vent. Il rétribue grassement le conducteur de la moto, d’autant plus qu’il est le seul kamikaze à accepter de participer à ce défilé. Tous les autres sollicités l’ayant envoyé chier. Le hic c’est qu’il veut, et il le réalise, parcourir la cité en tenue et casquette d’officier nazi. Bras tendu natÜrlich. Il avait dû visionner un documentaire historique sur Arte ou Papa Schultz sur une chaîne du câble… Même les anciens combattants se marrent en se demandant ce qu’il va nous réserver pour demain. Personne ne fait de paris, c’est perdu d’avance. Il est au-delà des hypothèses. Il y a quelques temps il se promenait en mini jupe et les pieds nus peints d’un enduit blanc. Un jour, on aimerait le croiser en cow-boy ou en indien, voire en cosmonaute. Ça nous reposerait…

Mais ça n’arrivera pas.

Dernièrement, des membres de sa famille sont intervenus pile au moment où il procédait à une transaction. C’est l’office notarial qui les a alertés. Il vendait un de ses appartements pour un euro. À de braves gens qui l’avaient dépanné d’une caisse de Get 27. Alors se sont déclenchés tous ce foutoir de mise sous tutelle et de placement en hôpital psychiatrique. Pour le moment il s’est arrêté à la case SAMU. Il a ingurgité un flacon de Lockheed. Au toubib qui lui a posé la question du pourquoi de son geste, si c’était par inadvertance ou par tendance suicidaire ? Que s’envoyer du liquide de freins c’est pas banal quand même ? Zigzag a répondu banalement qu’il comprenait pas pourquoi on l’expédiait en H.P. Alors il a demandé à un copain qui lui a fourni la réponse : 
"Zigzag, c’est parce que tu sais pas doser le freinage." Voilà tout docteur. Alors j’ai voulu réparer moi-même, pour vivre comme avant.

Hénin-Liétard

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 13:06

 

"Enfermer des gens en prison et les priver de sexe est un acte criminel"

 

IoO LesageJacques Lesage de La Haye, 72 ans, ex-taulard et doctorant en psychologie, dénonce depuis plus de quarante ans le caractère destructeur de l’univers carcéral. A commencer par la privation de relations affectives et sexuelles en détention qu’il considère comme "une castration pure et simple de l’être humain".

Assimilée aux châtiments corporels, dénoncée par la commission européenne des droits de l’Homme, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, la privation de sexe engendre chez les détenus des dégâts considérables, identifiés et connus depuis bien longtemps par les autorités publiques.

Et pourtant, la France, dans ce domaine, fait toujours figure de lanterne rouge. Une actualité toute relative (une entreprise qui voulait offrir mille sextoys à des taulardes pour leur Saint-Valentin) nous a donné envie de remettre le sujet sur la table.

Et pour en parler, on s’est évidemment adressé au grand spécialiste de la question. Rencontre avec l’auteur de La Guillotine du sexe et de L’Homme de métal, et l’animateur de l’émission Ras-les-murs, diffusée chaque mercredi à 20h30 sur Radio-Libertaire

 

 

Zélium : Pour la Saint-Valentin, une entreprise a voulu offrir 1000 sextoys à des détenues, mais l’administration pénitentiaire a rétorqué "que le recours à cet accessoire relève de la sphère privée" et que "l’administration n’a pas à le proposer elle-même hors cadre de demandes expresses".
Cette réponse, ça vous inspire quoi ?

Jacques Lesage de La Haye : En l'occurrence, il s’agit d’un coup médiatique d’une entreprise qui a voulu tirer profit de la misère sexuelle en prison pour essayer de récolter un nouveau marché. Déjà ça, c’est crapuleux.

Mais ce qui me scandalise le plus, c’est que l’administration pénitentiaire ose donner une réponse aussi lénifiante, hypocrite et ambiguë, laissant entendre que ce type de commerce était possible dans l’enceinte de la prison.

 

L’administration n’a donc pas évolué sur la question du sexe en prison ?

J. L. de La H. : Les seuls progrès enregistrés à ce jour sont extrêmement partiels et insuffisants. On est pourtant quelques-uns à harceler l’administration sur cette question depuis quatre décennies, mais la France en est toujours à un point qui est désespérément grotesque et ridicule.

La problématique de la sexualité en prison a été mise sur le tapis en 1971. A cette époque, il y avait déjà 25 où 30 pays qui s’étaient emparés du sujet à bras le corps.

Avec Michel Foucault et d’autres, intellectuels et taulards, on a créé le Groupe Information Prison, qui a posé le problème. Surtout moi, puisque c’était mon sujet de thèse de doctorat de psychologie et que je voulais qu’on en parle pour que ça change.

Je n’étais pas le seul à avoir constaté les dégâts causés par la frustration affective et sexuelle. Déjà, à ce moment-là, il était urgent de trouver des solutions qui permettraient une prévention et une neutralisation de la souffrance pour que les dégâts ne soient pas aussi considérables qu’ils ne l’étaient.

 

C’était pas trop compliqué de mettre le dossier sur la table ?

J. L. de La H. : La sexualité en prison, ça a toujours été un sujet tabou qui met tout le monde mal à l’aise. J’ai même des copains qui par souci de dignité me disent "moi j’ai fait 18 ans, j’ai pas eu de problèmes". Je trouve ça idiot, ce n’est parce qu’on est un homme, qu’on a pas de problèmes.

Et celui qui le tait est un imposteur. Ça peut paraître dévalorisant de dire qu’on a souffert, qu’on a été cassé, qu’on a eu du mal à s’en sortir mais ce n’est qu’en disant la vérité qu’on pose le problème et qu’on peut trouver des remèdes. 

 

Qu’est-ce que vous avez entrepris ?

J. L. de La H. : J’ai continué à m’occuper et à débattre de cette question-là, j’ai publié la première édition de La Guillotine du sexe en 1978 qui reprenait l’essentiel de ma thèse. Il y a eu ensuite la commission architecture prison, où Badinter m’avait chargé en 1984-85 d’interviewer des prisonniers pour savoir s’ils souhaitaient l’équivalent des parloirs intimes. Autant dire qu’on enfonçait une porte ouverte, mais c’était une étape de plus qui amenait cette fois-ci le problème au niveau gouvernemental.

Je me souviens notamment du directeur du centre pénitentiaire de Mauzac en Dordogne qui avait appliqué nos recommandations. Il avait demandé de son propre chef aux gardiens de regarder par terre ou en l’air mais surtout pas à l’intérieur lorsqu’ils surveillaient les parloirs. Derrière cette consigne, il y avait le respect de l’intimité des gens. Sachant qu’il n’y avait pas de regards inquisiteurs, les gens ont pu faire l’amour. Je le sais parce que de septembre 86 à juin 89, il y eu la naissance de huit "bébés parloirs".

Ça s’est ensuite arrêté avec l’arrivée d’une nouvelle directrice ultra-conservatrice qui s’est empressée de suivre les directives de la droite. De nouveau et comme partout ailleurs, s’ils étaient surpris, les prisonniers risquaient d’être privés de parloir ou d’être mis au quartier disciplinaire.

 

Pourtant, depuis, il y a bien eu la mise en place des parloirs intimes, les unités de vie familiale ?

J. L. de La H. : La première unité de vie familiale a été mise en route pour la première fois en 2003. Pour l’occasion, j’ai été invité sur un plateau télé où on m’a demandé si j’étais content.

A ce moment là il y avait 187 prisons et une seule équipée. On lance le combat en 1971. C’est déjà urgent et ça devrait être fait depuis longtemps. On commence seulement à les mettre en place en 2003 et on ose me demander si je suis content ? Non, je ne suis pas content, je suis indigné, je suis révolté, je suis scandalisé. Et aujourd’hui, on est en 2011, et les choses ont très peu avancé.

C’est une très belle vitrine, mais ce n’est pas la panacée dont on parle. Soyons clairs, les unités de vie familiale ne concernent que très peu d’établissements et elles ne bénéficient qu’à un pourcentage infime de détenus. La majorité n’en profite pas et la France continue de faire figure de lanterne rouge. 

 

Vous comparez la privation affective et sexuelle à la castration pure et simple de l’être humain ?

J. L. de La H. : Enfermer des hommes et des femmes dans les prisons et les priver officiellement et matériellement de relations affectives et sexuelles est un acte criminel. C’est quelque chose qui les castre, qui les détruit et qui en fait, pour une partie d’entre eux, des obsédés sexuels et affectifs.

Quand j’ai réalisé mon enquête à Caen, la privation engendrait des conséquences incroyables. Un détenu sur trois avait eu une ou plusieurs relations homosexuelles. Evidemment, l’homosexualité me semble être une des choses les plus naturelles, par contre je reste très réservé sur une homosexualité de "circonstance" et donc forcée.

Quand on ne peut pas aller vers le sexe qui nous est habituellement complémentaire, il est bien légitime de retrouver ses partenaires sexuels chez des personnes du même sexe. Il y en a qui y trouvent leur bonheur, mais pour beaucoup, ça se fait dans un climat de honte, de colère, avec une culpabilité prégnante et massive et, à l’intérieur de soi, une haine, une rage et un réel désir de vengeance qui ne présagent pas de lendemains qui chantent à la libération.

 

Quelles sont les autres conséquences ?

J. L. de La H. : J’ai relevé qu’il y avait aussi 97 % des détenus qui recourraient de manière systématique à l’onanisme. J’ai des témoignages de détenus qui se masturbent huit, dix fois en une journée, pendant des mois et des années. Il faut voir à la longue dans quel état ils se retrouvent.

D’autres avaient développé à l’intérieur de la prison un comportement déviant que l’on va retrouver ensuite à l’extérieur. Il y en avait qui faisaient de l'exhibitionnisme à travers les barreaux en se persuadant qu’on les observait, d’autres qui espionnaient des femmes avec des lunettes optiques.

Je me suis aperçu qu’il existait des tas de moyens de compensation et de substitution pour faire face à cette frustration. Il y avait notamment un jardinier qui était devenu le proxénète d’une truie et qui la louait aux détenus. Il y avait aussi l’histoire d’un jeune qui avait attrapé une chatte et qui avait agrandi son vagin avec un canif pour pouvoir la violer, sans parler de celui qui avait éduqué un serpent pour qu’il lui fasse des fellations...

Quand la relation qu’il peut y avoir entre deux êtres humains prend la forme d’une simple éjaculation dans la gueule d’un serpent, c’est bien que la personne en est réduite psychologiquement, affectivement et émotionnellement à quelque chose de l’ordre d’une désorganisation totale de son psychisme. 

 

En gros, au lieu de réinsérer les détenus dans la société, on crée des monstres ?

J. L. de La H. : C’est sûr que si on veut décapiter symboliquement les être humains, les décérébrer et les détruire émotionnellement et affectivement, il suffit de les enfermer et de les priver de sexualité pendant des années. C’est comme ça qu’on produit des robots et des espèces de monstres détraqués.

Quand ils sortent, les détenus ne sont plus dans le désir, mais dans le besoin. Le désir, c’est la rencontre de l’autre, le besoin, c’est un manque viscéral qui détruit le corps humain, qui écartèle le psychisme et qui rend la relation pathologique.

Si on regarde les sujets "normaux", c’est-à-dire ceux qui ne sont pas des criminels sexuels, donc la grande majorité des détenus, cette espèce de destruction psychologique va créer un état permanent de surexcitation et de frustration, que moi j’ai appelé le "syndrôme de sursollicitation".

En fait, ils sont tellement sous-sollicités sur le plan affectif, émotionnel et donc sexuel, qu’une fois sortis du contexte de l’isolement carcéral et remis en circulation dans la société, ils ont l’impression d’être sursollicités : une fille qui passe dans la rue, une publicité avec un corps dénudé, un film avec une scène érotique, ça les perturbe énormément, parce que ça les renvoie à leur frustration.

 

Et pour les criminels sexuels alors ?

J. L. de La H. : Si le sujet est de surcroît perturbé au départ, parce que c’est un psychopathe, un paranoïaque ou un pervers, non seulement il ne sera pas guéri en sortant, parce que quoiqu’on raconte dans les médias, il ne sera pas suivi, mais en plus, cela va aggraver ces désirs de vengeance et de haine.

Il faut d’ailleurs s’étonner qu’il y en ait si peu qui récidivent. Bien souvent, ils sont dans l’incapacité de recommencer, non pas parce qu’ils sont guéris, mais parce qu’ils sont bien trop traumatisés, dans un état grave d’angoisse, de désespoir, voire d’implosion psychologique.

Il y en a néanmoins qui récidivent et on ne cite que ceux-là, pour nous faire croire que les prisons en sont peuplées. Mais si on regarde la moyenne des peines, en France, c’est huit mois et quelques jours, ce qui prouve bien que ce ne sont pas eux qui sont les plus nombreux en prison. 

 

Tout ce que vous racontez, les politiques le savent très bien. Pourquoi les choses n’avancent pas ?

J. L. de La H. : Pour considérer les choses au point de vue politique, il faut s’intéresser au sens politicien et non pas au sens de gestion de la cité, qui serait une prise de conscience qui nous amène à réfléchir collectivement sur la façon dont on va s’organiser socialement.

La politique, c’est un désir de pouvoir, d’argent, de notoriété et de reconnaissance. C’est quelque chose qui monte à la tête, qui donne du prestige et un quotidien sans le moindre souci matériel. Pour se faire élire et garder le pouvoir, les politiciens savent qu’ils ont intérêt à caresser dans le sens du poil une humanité peureuse, conservatrice et moralisante. En gros, leur discours c’est : "Vous avez peur ? J’en ai conscience, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous protéger. Avec moi, vous serez en sécurité et d’ailleurs ce qui crée l’insécurité, ce sont les jeunes, les étrangers, les drogués, les homosexuels", et tout un tas de gens qui sont des boucs émissaires désignés.

Donc diviser pour mieux régner, mettre de la discorde et ensuite apparaître comme le sauveur. Ces stratégies font que sont élus successivement des droites très réactionnaires et des gauches conservatrices obligées de s’aligner sur le moule sécuritaire pour s’attirer les faveurs des électeurs.

 

C’est pas ça qui va aider à faire baisser le taux de récidive...

J. L. de La H. : Si au lieu d’augmenter les effectifs de surveillants dans les prisons pour faire plaisir à l’opinion publique, on se disait, il faut multiplier les alternatives à la prison, prévoir davantage d’éducateurs, de psychologues et de travailleurs sociaux pour les aider à surmonter leurs problèmes psychologiques, à acquérir de la culture, à préparer des professions, c’est sûr qu’il y aurait beaucoup moins de récidive.

On a des exemples d’expériences menées dans d’autres pays, où les taux de récidives ont dégringolé. Manque de chance, ce sont des solutions humanistes, progressistes et futuristes, donc on va les décréter "utopistes". Peut-être qu’elles le sont aujourd’hui, mais comme toujours avec l’utopie, c’est ce qui est impossible aujourd’hui et possible demain.

A partir de là, ceux qui sont élus sont représentatifs d’une opinion publique caressée dans le sens de sa propre peur. C’est pour ça qu’on se retrouve avec des gens très agressifs, rigides et autoritaires comme Hortefeux, Sarkozy, MAM, Rachida Dati... Des gens qui n’ont aucune réflexion, aucune prospective, aucune espérance en l’être humain, aucun sens de l’entraide et de la solidarité. L’inconvénient, c’est que ces politiques à courte vue sont celles qui fabriquent de la récidive.

 

Et c’est mal parti pour s’arranger...

J. L. de La H. : Effectivement. Les États-Unis, qui détiennent le record du monde, avec plus de 2 millions de détenus, nous proposent un modèle qu'on est en train d’enfourcher comme un dada : les prisons privées, un formidable système pour permettre que les prisons soient rentables.

En gros, on laisse la construction, la gestion, la logistique et l’intendance à des entreprises type Bouygues, La Lyonnaise des eaux ou la Sodexo et il n’y a au fond plus que la surveillance qui reste la propriété de l’administration pénitentiaire.

Autant dire que si les prisons sont confortées par des idées capitalistes de rentabilité, c’est évident que la logique moralisante et sécuritaire ne va pas s’arrêter comme ça. Au contraire. Alors c’est sûr que les centres privés apportent un confort incontestable par rapport aux prisons classiques. Mais, c’est encore moins la prise en compte de l’intérêt des individus, parce que c’est de la recherche de rentabilité.

On a l’impression d’avoir des conditions plus favorables parce qu’il y a un frigo et une douche dans la chambre ou parce qu’il y a une carte d’identité interne bidon, mais pour moi, cet enfermement, c’est le même, sauf qu’il est plus pervers, parce qu’il est moins brutal et moins frontal.

En vérité, l’incarcération devient totalement inhumaine, puisque tout est informatisé et électronique, et à la fin les types ne s’en sortiront pas mieux que ceux qui sont passé par les prisons d'État, parce que ce n’est qu’une espèce de soumission à l’autorité par le biais d’un confort économique.

 

Propos recueillis par Linda Maziz

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